Ciné-Zoom

Février 1945, Hitler se retranche dans ses dernières illusions, le rêve d'un Reich de mille ans. La bête agonise, le bien triomphe du mal, et le monde peut de nouveau songer à un avenir radieux. Ailleurs, un autre front, là-bas dans les îles, un petit morceau volcanique situé à 1000 km de Tokyo. Après la tempête infernale, le son des canons et la fureur des mourants, dans l'ombre des survivants, cinq types et un infirmier dans un dernier acte de bravoure, un geste découlant de la folie de l'action ! Emportés par leur fureur guerrière, fiers d'être ceux qui bottent le cul de la bête ! Ceux qui survivent aux nombreux corps qui jonchent l'île sens dessus dessous. Cinq anonymes et un infirmier qui, tout à coup, hissent une bannière étoilée au-dessus d'une colline. Et le monde change ! Une nouvelle symbolique héroïque, une image qui fait le tour du monde, galvanise les foyers américains, efface ou laisse au second plan toutes les mères éplorées et ces jeunes soldats qui ne rentreront jamais. La bête n'est pas la seule à utiliser la propagande, le sens de l'image, ce qui fait de ces hommes du quotidien, ces fils, ces pères, ces hommes de la rue, des héros ! Bienvenue dans un monde où ce qui compte, ce n'est pas ce que tu fais, mais ce que tu parais être. Le drapeau claque dans la chaleur du champ de bataille, les fumées montent de la terre comme si le volcan allait de nouveau hurler sa colère. Le drapeau se dresse et la bannière claque au vent sur ce terrain lunaire, à ses pieds, comme figés dans l'instant sublimé d'une Piéta où la bannière serait le Christ, six hommes tendent les bras vers cet objet d'adoration, cet objet qui représente leur pays, leur nation, la paix promise !

Cet objet qui marque le premier pas posé sur un monde de chaos, loin de la terre de nos aïeux, de la mémoire de nos pères. Pas étonnant que l'image fasse le tour du monde, devienne le symbole d'une nation qui, à l'époque, souhaite écraser un monstre en Occident et un autre en Orient. Il n'y a pas de question sur la nécessité ou pas de cette guerre, sa justification, personne ne la conteste. Pourtant, l'armée américaine a besoin de redonner espoir à cette nation qui voit un conflit qui s'éternise, un front stagnant, alors qu'ailleurs en Europe la bête se meurt. Les survivants de cet acte de gloire deviendront les porte-drapeaux d'un nouveau combat qui laissera peut-être plus de traces en leur cœur. Le film suit donc, à travers des flashes back, et la campagne de propagande qui s'ensuit, le destin de trois de ces hommes. Un Amérindien, Ira Hayes, qui finira par noyer sa douleur dans l'alcool, Rene Gagnon, qui rêvait de devenir acteur et John "Doc" Bradley, qui retournera à l'anonymat, ce qui le sauvera sans aucun doute. Plus que la bataille, le film de Clint Eastwood suit les traces de ces braves types utilisés par l'armée. Pour le style, il s'inspire de ses mentors, Hawks, Ford, Fuller, Walsh, sans chercher à en faire trop ni à nous époustoufler par son cadre. Mais tout en restant classique, le vieux bougre nous balade et nous impose un film fort et choc. Ce qui l'intéresse, ce n'est pas à la manière du soldat Ryan de Spielberg, son producteur, ou du World Trade Center de Stone, les inconnus devenus héros ! Il ne s'agit pas pour lui de sublimer, dans une image alléchante, explosive, l'acte de bravoure, mais bien tous les non dits, les dessous, les après ! Le devenir de ces hommes qui ne resteront pas sur la scène mais retrouveront demain la vie et des promesses non tenues. Nous pourrions presque conclure par « Héros d'un jour, oublié de toujours ». Il s'interroge sur ce qu'est l'héroïsme et son devenir, une fois de plus, le vieux sage nous bluffe, et ce n'est pas moi qui m'en plaindrai.