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Accueil Les Films à la Télé MK, L'ARMEE SECRETE DE MANDELA

MK, L'ARMEE SECRETE DE MANDELA

Diffusion sur ARTE à 23h : le 9 Avril 2024
VU - 2 Zooms -

Film français, sud africain, camerounais

Réalisé par Osvalde Lewat

Documentaire – 1h -

Pas de rencontre pour ce film, c'était secret !
 

 
 
Avec la participation de Dudu Msomi, Zola Maseko, Ronnie Kasrils, Jabu Masina, Mac Maharaj, Totsie Memela, Mavuso Msimang, Andy Kasrils.
 
Il y a 30 ans, les premières élections générales multiraciales d'Afrique du Sud,  du 26 au 29 avril 1994, conduisent Nelson Mandela à la Présidence de la République.
Auparavant, Nelson Mandela aura été emprisonné de 1962 à 1990, pour avoir dirigé MK l'armée de guérilla de l'ANC.
Le film d'Osvalde Lewat part à la rencontre d'anciens membres de MK avec de nombreuses archives inédites.

L'histoire : MK l’armée secrète de Mandela, éclaire un aspect méconnu de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. En 1961, l’ANC, organisation de défense des droits des noirs renonce, face à un pouvoir toujours plus répressif, au combat pacifique et passe à la lutte armée avec la création d’uMkhonto weSizwe (MK), dirigée par Nelson Mandela et composée de jeunes révolutionnaires noirs, indiens et blancs. La réalisatrice Osvalde Lewat nous révèle un Mandela chef d’une armée de guérilla et rend hommage aux héros oubliés de la dernière lutte d’indépendance du vingtième siècle qui portaient l’idéal d’émancipation humaine si haut, qu’ils sacrifiaient leur vie pour libérer leur pays de l’oppression raciale.

Notre avis : Un document très intéressant, sur une chose importante de l'histoire de l'Afrique du Sud, l'histoire de la lutte contre l'apartheid, dont on a peu entendu parler... Il est important de connaître de telles choses et d'en être informé. Des témoignages importants pour le bien public, qu'il faut rappeler et auxquels il faudrait rendre hommage. Nelson Mandela, n'a jamais renié cela, mais il est vrai qu'aucun monument n'a été érigé envers ces combattants qui ont participé à la libération du pays de l'oppression ! Gérard Chargé - 2 Zooms -
 
Entretien avec la réalisatrice Osvalde Lewat

Pour quelle raison avez-vous eu le désir de faire ce film ? En quoi rencontre-t-il, de la manière la plus personnelle qui soit, votre propre trajectoire, vos propres préoccupations ? 
Je connaissais les grandes lignes de l’histoire de la lutte contre l’apartheid. Je connaissais mal l’histoire de la résistance armée, notamment celle de la branche armée de l’ANC et du rôle que Nelson Mandela a joué dans sa création. Un ami de longue date, sud-africain, réalisateur de films, m’a un jour confié qu’il avait été membre de uMkhonto we Sizwe, MK en abrégé. Au fil de nos discussions, j’ai mesuré à quel point la figure de commandant d’une armée de guérilla qu’avait été Mandela ainsi que le rôle joué par les soldats de MK dans la victoire contre l’apartheid étaient minorés voire carrément occultés. Cela m’a interrogée, j’ai voulu comprendre. Certes ils n’ont pas marché sur Prétoria à la tête de chars et ce n’était pas une révolution politique au sens d’un renversement du pouvoir en place par la violence, toutefois ils ont mené des actions déterminantes dans la chute du régime de l’apartheid en Afrique du Sud. 
Aujourd’hui, le récit national et international retient presque exclusivement le dialogue et les négociations comme moyens utilisés pour mettre un terme à l’apartheid et a pacifié la figure de Nelson Mandela pour en faire un Gandhi aseptisé. Mandela, se souvenant du révolutionnaire qu’il fut, explique lui-même à la fin de sa vie « La non-violence n’était pas un principe moral mais une stratégie ; il n’y a aucune bonté morale à utiliser une arme inefficace. » J’ai rencontré d’autres amis de Zola Maseko, anciens MK comme lui, amers que l’Histoire progressivement soit en train de les effacer, que leur place dans la libération de leur pays soit méconnue des jeunes générations alors qu’ils ont sacrifié leur jeunesse et pour certains camarades leur vie à « la cause ». Il n’existe pas de musée qui leur soit dédié, pas de monuments représentatifs, pas de prise en charge décente de leurs besoins. 
Née au Cameroun, la question mémorielle m’interpelle constamment. L’histoire des anciens membres de MK a résonné en moi. Au Cameroun, il n’y a pas de journée pour commémorer les martyrs de l’indépendance ; pas de journée Ruben Um Nyobé ou Ernest Ouandié par exemple. En Afrique, elles ne sont pas nombreuses les grandes figures de nos luttes d’indépendance à être célébrées. Ces héros, ennemis du pouvoir colonial, le sont demeurés des régimes post indépendance mis en place par la puissance colonisatrice. 
En Afrique du Sud, je pensais la situation différente. Certes les leaders sont reconnus, célébrés, on chante leurs noms comme le dit une chanson populaire du MK, mais les autres ? Les milliers d’autres unsung heroes ? 
Mon envie de réaliser ce film est née du désir de raconter l’histoire de la branche armée de l’ANC créée par Nelson Mandela à ceux qui, très nombreux, ne la connaissent pas et de rendre un hommage aux anciens soldats de la dernière lutte d’indépendance du vingtième siècle. 

Vous menez votre travail de création dans plusieurs champs artistiques : écriture littéraire, photographie, réalisation de films documentaires. En quoi un film tel que « MK, l’armée secrète de Nelson Mandela » est-il nourri par vos autres pratiques artistiques ? 
Mes différentes pratiques artistiques se nourrissent mutuellement et très souvent j’ignore dans quel ordre de préséance cela se produit, comme dans l’histoire de l’œuf et de la poule. Avant de devenir photographe, une écrivaine publiée, j’ai été réalisatrice de films. On pourrait penser que la matrice se trouve là mais, en réalité, j’écris et raconte des histoires depuis que je suis toute jeune. Je me suis toujours intéressée à l’architecture du récit, aux parcours singuliers, à la grande histoire qui croise les parcours individuels. Le désir de raconter des vies autres que la mienne, la rigueur dans la recherche des informations, la réflexion autour des images que l’on donne à voir, à penser à un public fondent mon rapport artistique au monde, c’est le prisme qui me meut. Je crois qu’en réalité c’est « MK, l’armée secrète de Mandela » qui fécondera mes idées de création à venir. 

On sent dans les témoignages et récits que vous avez recueillis ou suscités, une atmosphère de liberté et de confiance dans la prise de parole. Que pouvez-vous dire des rapports qui se sont noués avec vos « personnages » et avec vos partenaires de création en Afrique du Sud ? Le fait d'être une femme, plus jeune que vos personnages, d'origine africaine, (mais pas sud-africaine), vivant principalement en France, comment tout cela a-t-il eu un effet sur vos relations avec les personnes que vous avez rencontrées dans votre tournage ? 
Le MK c’est comme une fraternité, une sororité, une confrérie où la parole ne se libère pas librement en présence de tiers. J’ai eu la chance d’être amie avec un ancien membre estimé de MK dont les parents ont dédié leur vie à la cause de la lutte antiapartheid. 
Ce fut une recommandation solide pour être admise dans ce monde difficile à pénétrer. Mon ami Zola m’avait dit : « je vais t’introduire ; la décision de parler ou non leur appartient. » Je crois que les personnages ont été sensibles à ma ténacité, à mon intérêt pour leur parcours, pour le sort de ceux qui ont été laissés pour compte après la libération. Cependant, je suis revenue plusieurs fois à la charge avant de les convaincre de participer au film. J’ai eu des accords, puis des défections, et de belles surprises de dernière minute. Je dois admettre que je sois Africaine les touchait particulièrement. Je venais de loin : du Cameroun, de France, j’étais « une sœur » qui voulait raconter leur histoire qui intéresse de moins en moins de monde dans leur propre pays, c’étaient des atouts. Et puis j’avais déjà fait des films qu’ils ont pu regarder. Pendant le tournage, pour rigoler, certains vétérans m’ont déclarée « membre honoraire de MK » et aujourd’hui quand ils s’adressent à moi, ils m’appellent « Comrade Osvalde. »

Avez vous été surprise par votre tournage puis par votre montage, au regard de ce qu’était votre propos initial ? 
La réalisation du film s’est étendue sur une période qui a duré presque quatre ans. Le tournage a été plus riche en parole, en complexité, en images que ce à quoi je m’attendais. Moi qui ai peu d’appétence pour le manichéisme, j’ai été agréablement servie. Le tournage m’a permis de récolter un matériau de grande valeur humaine, historique et esthétique ; au montage , comme toujours, il a fallu faire des choix. Ce qui a généré des frustrations. J’aurais bien fait un film de deux heures si j’avais pu. Le film est une version condensée de mon propos initial mais oui, l’essentiel y est. On ne peut certainement pas tout dire même si l’on dispose d’un format de vingt-quatre heures. 

Votre film raconte une histoire d'émancipation. C’est aussi l’histoire d’un certain échec, d’espoirs déçus, voire de désillusions. Les révolutions sont-elles condamnées à être trahies ? 
A observer les lendemains des révolutions qui ont jalonné le vingtième siècle, et même plus récemment les printemps arabes, on peut en effet se poser la question. Mais s’agit-il réellement d’échecs ou plutôt de désillusions consécutives à la victoire, de désenchantement après le renversement de l’ordre établi ? 
Je crois que le cas de l’Afrique du Sud est spécifique en ce que le changement de paradigme est plus à comparer, mutatis mutandis, à l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis. Notamment sur les plans économique et social. Les choix effectués pendant le démantèlement de l’apartheid n’ont globalement pas permis aux couches sociales les moins favorisées d’acquérir un meilleur niveau de vie, la justice sociale est relative et, sur le plan politique, de nombreux scandales ont écorné l’image des dirigeants qui pourtant furent en première ligne dans la lutte contre l’apartheid ou même membres de MK. 
Trente ans après l’établissement d’une démocratie multiraciale et l’élection du premier président noir, on a l’impression que les sacrifices consentis par le peuple, par ceux qui se sont battus pour l’avènement d’une nouvelle ère dans ce pays sont en train d’être vendangés par une clique privilégiée et prévaricatrice. Malgré cela, ce pays n’a plus rien à voir avec ce qu’il fut (pour les noirs du moins) du temps de l’oppression. Et ça c’est une victoire. Ces dernières années, des amis membres de l’ANC me disaient qu’ils votaient pour leur parti par fidélité nostalgique. Ils étaient choqués par les dérives mais leur sang est aux couleurs de l’ANC et jusqu’à leur mort ils voteront, même sans conviction, pour ce parti. Les « born free » ont trente ans cette année et je crois que ce pays va rentrer dans une ère nouvelle puisque la génération qui s’est battue pour la libération est en train de disparaître. Le parti qui voudra gagner les élections devra s’attendre à une redevabilité plus exigeante. En Afrique du Sud, le bilan post libération doit s’apprécier sur un temps plus long qu’ailleurs. 

Y a-t-il eu des sujets tabous qu’ils n’ont pas voulu aborder ? 
Oui. Forcément. Ceux qui ont été impliqués dans des actes d’assassinat par exemple ne souhaitaient pas en parler. 

Pouvez-vous nous parler de la collecte des archives dont la plupart sont inédites ? 
Grâce à mes producteurs en France (Temps noir, Roches Noires) et à mon coproducteur en Afrique du Sud (Anaphora Films) j’ai pu obtenir des archives inédites. Mais ce fut un long travail de fourmi. 

Au cours du tournage, quelles ont été les rencontres qui vous ont marquée ? 
Celles avec les anciens soldats laissés pour compte. Certains ont rejoint le MK à 13 ou 15 ans. A la libération, ils n’avaient ni formation, ni travail qui les attendait. Certains ont dérapé et ont fini en prison pour de longues années.
 
 
 
 
 

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