Ciné-Zoom

 

Titre original : Une estonienne à Paris

Distributeur : Pyramide Distribution

Musique originale de Dez Mona

 

Avec aussi : Laine Mägi, Patrick Pineau, Ita Ever, Corentin Lobet, Piret Kalda, Helene Vannari, Roland Laos, Ago Anderson, Helle Kuningas, Tõnu Mikiver…



L'histoire : Anne quitte l’Estonie pour venir à Paris s’occuper de Frida, vieille dame estonienne installée en France depuis de nombreuses années. A son arrivée, Anne se rend compte qu’elle n’est pas désirée. Frida tente par tous les moyens de la décourager. Cette vieille dame n’attend rien d’autre de la vie que l’attention de Stéphane, son jeune amant d’autrefois. Anne résiste à sa manière. A son contact, Frida va retrouver sa fouge d’éternelle séductrice...

 

 

Notre avis : Une histoire touchante qui traite de la solitude et des sentiments amoureux qui nous tiennent en vie, à la fin de notre existence. Une confrontation entre maître et valet, qui devient une histoire d'amitié et de compréhension commune, mais non sans casser des oeufs. Une omelette qui prend pour une histoire d'apprivoisement partagé, sur un éclairage de comportements et d'ouverture vers les autres. Un éclairage et un regard lucide sur le vieillissement et le respect de l'autre. Jeanne Moreau et Laine Mägi sont extrêmement touchantes et justes, dans des personnages de femmes seules, qui vont apprendre à vivre ensemble et à se connaître mieux en allant jusqu'à se comprendre. Gérard Chargé - 3 Zooms -

 

 

Rencontre Ciné-Zoom Photos et Interviews avec le réalisateur et avec Jeanne Moreau à Paris. 

 

Ilmar Raag "C'est une histoire assez personnelle : je suis estonien, au début il y avait l'histoire de ma mère qui est venue à Paris et je connaissais un peu un prototype du personnage que joue Jeanne Moreau, une estonienne qui est venu à Paris, qui n'était pas tout à fait comme le personnage que joue Jeanne. Personne d'autre que Jeanne ne pouvait jouer ce rôle, on n'a pas osé pendant deux ans à lui présenter le scénario, car elle était trop grande pour nous : on ne faisait que réécrire pour d'autres. Mais on a tenté notre chance et deux jours après, elle nous a répondu et trouvait cela intéressant, elle voulait juste que l'on discute. Elle a su finaliser le personnage, avec sa connaissance du monde. Parler de la communauté estonienne à Paris, n'était pas un but en soi : le plus important c'était la trajectoire personnelle de ces personnages, je raconte à travers cela l'histoire des estoniens qui y sont venus. Les estoniens qui sont venus à Paris, souvent, ne l'ont pas fait pour que pour des raisons économiques ou politiques, mais aussi pour des raisons culturelles ou identitaires. J'ai filmé le Paris que je connaissais et celui de ma mère. On y sort le soir et on se promène à pied, pas très loin. Au début, c'est ça Paris, on ne voit juste que le quartier."

 

Jeanne Moreau "J'ai fait ce film parce que j'ai rencontré Ilmar, en ayant un échange très intense sur cette histoire qui m'a intéressée. J'ai découvert l'histoire de l'Estonie qui est un pays que je ne connais pas du tout et je ne savais pas qu'à une époque, beaucoup de gens venaient en Europe, notamment à Paris et qu'en France ils allaient trouver une vie plus aisée, plus facile, des emplois, etc. Quand ils voulaient retourner chez eux c'était impossible, car il y avait eu l'invasion russe. L'histoire de cette femme qui avait le désir de devenir actrice et célèbre m'a plu et qui en fait, est devenue une femme entretenue, un peu "pute" sur les bords (rires), jusqu'au moment où elle a rencontré un monsieur très aisé qui a fini par l'épouser. Quant on la rencontre dans le film, elle est veuve et elle garde des liens avec son amant, qui est toujours-là platoniquement : elle dit à un moment, "mon mari et lui, ce sont les deux amours de ma vie". Se sentant vieillir et fragile, elle est devenu solitaire, lui a fait don d'un café restaurant qui est pour elle un moyen de pression, sur lui, qui est toujours amoureux. Ma partenaire, Laine Mägi est étonnante, c'est à travers son regard à elle, que l'on voit Paris et cette vieille dame, son regard émerveillé et sidéré, transforme Paris, et c'est pour elle que le film a été fait et pas pour moi. Son personnage m'a bouleversé. J'ai été très émue quand j'ai vu le film, par le personnage de Laine, son obéissance. Elle n'est pas servile, elle est têtue. Frida, mon personnage l'humilie car elle est en colère parce qu'elle se revoit plus jeune, quand elle est arrivée, jeune, comme estonienne à Paris. Comme mon personnage, je considère que les bien-pensants sont chiants pour tout le monde."

 

 

"Moi, c'est le désir de la création, qui fait que le matin j'ai toujours envie de me lever. La vie m'a été donnée avec un don et je ne suis pas croyante, tant que j'aurais la force, ce désir et cette gourmandise, je vivrais. Le jour où je ne l'aurais plus, peut être que j'écrirais un livre et je partirais... Ecrire quelque chose de personnel. Ce qui est intéressant dans une vie, c'est ce qu'on partage : les douleurs, les joies, les surprises bonnes ou mauvaises, les rapports avec les autres, la famille... Prochainement, je vais jouer une mère juive dans un long métrage. Puis une série de films dirigée par Sandrine Veysset. Des films où je suis de toutes les histoires. On en a déjà tourné trois, une avec Michael Lonsdale, une avec Gérard Depardieu, une autre avec Isabelle Huppert et on en tourne deux autres au mois de janvier. Ca fera un film entier. Mon rêve, c'est de tourner un film avec Yolande Moreau, je la trouve magnifique."

 

Photos et propos recueillis par Gérard Chargé.