Ciné-Zoom

Molière n'a que vingt-deux ans et s'entête à monter des tragédies dans le style ampoulé de l'époque, à la déclamation étrange. Criblé de dettes suite à un emprisonnement de trop, notre homme disparaît de la circulation. Où est-il allé ? Répondre à la commande d'un certain Monsieur Jourdain, bourgeois de son état et amoureux d'une femme de la haute, Célimène. Il a commis pour cette courtisane, un peu peste, qui tient salon, une petite pièce de son cru. Ce bon bourgeois, qui s'essaye à devenir aussi cultivé que ces messieurs de la noblesse qu'il fréquente, aimerait bien interpréter sa composition devant la belle. D'où l'engagement du sieur Molière qui, après avoir contesté pour l'honneur de l'art, se laisse tenter par la somme promise. Celle-ci devrait permettre à notre futur maître de la comédie de repartir avec sa troupe sur de bonnes bases. Il deviendra donc, pour l'entourage de Jourdain, un prêtre venu éduquer la plus jeune de ses filles, et pour le bourgeois, un professeur d'art dramatique. C'est ici, dans cet entourage un peu spécifique, entre Elmire, la femme de son commanditaire qui ravit son cœur, les amours contrariées de l'aînée des Jourdain, une Célimène, femme savante, précieuse ridicule, Dorante, un noble tapeur et mythomane, qu'il trouvera matière à son œuvre immortelle. Elmire le poussera à se dépasser et composer des comédies tragiques, à regarder le monde qui l'entoure pour s'en inspirer pour ses futures compositions.

Molière est un film surprenant qui nous fait penser à « Shakespeare in love » sur le fond, mais pour le reste, s'en écarte pour nous livrer une excellente comédie à la française. Romain Duris, sans fard ni artifice, compose un Molière en gestation assez juste, que l'on suit sans restriction. Amoureux d'une Elmire jouée par Elsa Morante, Pygmalion de notre auteur, mais la surprise vient de Luchini tout en retenue, sans exagération en Bourgeois gentilhomme plus vrai que nature. Un coup de chapeau à Edouard Baer en Dorante, marquis magouilleur, fainéant, tapeur, mythomane, qui parade à la Cour avec les deniers de notre Jourdain qu'il arnaque sans scrupules. Nous ne comptons plus les bons moments de la mise en scène qui, jouant des pièces de Molière, nous livre une possible histoire des actes créatifs du maître de la comédie. En même temps, les amateurs s'amuseront à retrouver les répliques de son répertoire, des plus connues comme le « Qu'allait-il faire dans cette galère ? » à des beaucoup plus subtiles. Le tout dans une réalisation inspirée, profonde, à la fois grand spectacle et réflexion sur une époque, indissociable de l'un de ses auteurs phares, inventeur d'un théâtre nouveau et toujours moderne.