Ciné-Zoom

Mexique, 1900, pendant le règne du dictateur Porfirio Diaz. Un prêtre, Nazarin, protège les parias et subit l'opprobre de ses pairs et de ceux qu'il défend. A cause de sa grande charité, lui-même vit dans une indigence proche de la misère. Il se sacrifie et se dévoue tout en se sachant violenté, incompris, méprisé, insulté. Il forme un étrange trio avec ses deux suivantes, la pécheresse Béatriz et la prostituée Andara. Nazarin poursuit son chemin, empruntant le chemin de croix du Christ. Variation christique de la période Mexicaine, Nazarin est un film fort et puissant dont Buñuel, avait acheté les droits en 1947. Plus que la beauté du cadre, ce qui motive Buñuel, c'est la vérité des images. Cela ne se passe pas sans conflit, il dit de son directeur de la photo "...C'est pendant ce tournage que j'ai scandalisé Gabriel Figueroa, lequel m'avait préparé un cadre esthétiquement irréprochable, avec le Popocatepelt dans le fond et les inévitables nuages blancs. Je retournai simplement la caméra pour cadrer un paysage banal qui me semblait plus vrai, plus proche. Je n'ai jamais aimé la beauté cinématographique préfabriquée, qui fait très souvent oublier ce que le film veut raconter et qui personnellement ne me touche pas..." Nous remarquerons des scènes nocturnes d'une beauté mystérieuse, biblique, des extérieurs naturels qu'inonde une lumière blanche, jouant entre l'oppression ou le repos, selon les séquences. « (...) Si le Christ revenait, ils le crucifieraient à nouveau. On peut être relativement chrétien mais l'être absolument pur, l'innocent, est condamné à l'échec. (...) Vous avez employé le mot « ambigu »

à propos de Nazarin. Je suis d'accord. Le style est ambigu et c'est pour cela qu'il m'intéresse. (...) C'est le mystère qui m'intéresse. Le mystère est l'élément essentiel de toute œuvre d'art. Je ne me lasserai pas de le répéter. (...) » Luis Buñuel, extrait d'un entretien avec Elena Poniatowska paru in Revista de la Universidad de Mexico, janvier 1961, et cité par Ado Kyrou, Luis Buñuel, éd. Pierre Seghers, coll. « cinéma d'aujourd'hui », Paris juin 1962, p.111. Le film provoqua une polémique, à tel point que l'association des producteurs s'opposa à la sélection du film au Festival de Cannes 1959. Il fallut l'appui du cinéaste John Huston pour que le film soit présenté en compétition, où il remporta le Prix International, spécialement créé pour l'occasion. Lors de la présentation du film à Cannes, l'Office Catholique du Cinéma faillit décerner un prix au film. Période mexicaine surréaliste, sans aucun doute ce qui se rapproche le plus d'une version filmée de la vie du Christ pour ce réalisateur hors norme. Leçon théologique, philosophique autant que cinématographique, Nazarin est une des expressions les plus abouties de Buñuel. Nazarin fait ainsi le tour des échecs de la sexualité (Beatriz condamnée à subir Pinto) du réel (Andara trimballée de prison en prison) et de l'aspiration à l'idéal (Nazarin probablement fou).
Patrick Van Langhenhoven 4 zooms Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2007